Budget federal 2024 : il faut du temps pour relever les défis à long-terme
Le gouvernement fédéral du Canada a publié son budget annuel le 16 avril. Bien que de nombreuses annonces avaient déjà été faites avant le « jour du dépôt du budget », l’attente était à son comble parce que tout le monde était impatient de comprendre comment les diverses pièces du casse-tête allaient s’intégrer dans un cadre financier complet, y compris en ce qui concerne les mesures relatives aux recettes.
Budget 2024 : une vue d'ensemble
En un mot, le profil budgétaire du Canada demeure pratiquement inchangé depuis la dernière fois que le gouvernement a publié sa mise à jour relative à la situation économique, en novembre 2023. En effet, les prévisions relatives au déficit et à la dette, indicateurs clés auxquels les investisseurs portent attention, demeurent sur une trajectoire lente et descendante pour les cinq prochaines années. Compte tenu de la conjoncture de croissance faible, mais néanmoins positive, un manque à gagner net de 40 milliards de dollars pour 2024-2025 semble élevé. Cependant, il apparaît plus gérable lorsque perçu en termes de pourcentage du PIB (1,4 %)¹ et lorsqu’on le compare à celui d’autres économies avancées qui enregistrent actuellement des niveaux de déficits nettement plus élevés.
Cela dit, le fait que le profil budgétaire demeure inchangé ne signifie pas pour autant que l’annonce budgétaire de mardi ne contient rien de significatif. En fait, on estime que les dépenses totales du gouvernement fédéral devraient être supérieures de 68 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années à celles dont faisaient état les perspectives de novembre. En agissant de la sorte, le gouvernement entend régler des problèmes de longue date qui ont nui au bien-être social et économique du pays. Quant à l’autre volet de cette équation qui concerne, lui, le financement de toutes ces initiatives, le gouvernement a annoncé son intention d’introduire un certain nombre de mesures fiscales et de réaliser des économies au niveau même de ses propres opérations, en s’appuyant sur des perspectives économiques quelque peu optimistes.
Résoudre la question de l’abordabilité du logement ne sera pas facile
Les annonces les plus marquantes concernent le déséquilibre qui perdure depuis des décennies entre l’offre et la demande de logements au Canada. Le Plan du Canada pour le logement du budget 2024 du gouvernement fédéral se fixe pour objectif de construire 2 millions de nouveaux logements d’ici 2031, en plus des 1,9 million de logements dont la construction est déjà attendue. Pour ce faire, de nombreux programmes importants sont mis de l’avant, dont le Programme de prêts pour la construction d’appartements, l’initiative collaborative Bâtir au Canada (qui prévoit une collaboration avec les provinces afin d’accélérer les initiatives locales) et un complément au Fonds pour accélérer la construction de logements qui vise à accélérer la construction dans les zones municipales. Enfin, le gouvernement a également lancé un fonds d’infrastructure pour améliorer les infrastructures d’eau et de déchets nécessaires dans les foyers. Même si le financement est impressionnant, il reste à établir comment il sera possible d’assurer rapidement une collaboration avec les provinces, les gouvernements locaux et autochtones pour que ces programmes puissent porter fruit. Il importera également que le gouvernement maintienne le cap en ce qui concerne cette priorité. Nous sommes d’avis qu’il faudra de nombreuses années pour inverser le phénomène qui tient, selon nous, à des décennies au cours desquelles on n’a pas suffisamment construit au pays.
Plus d’aide pour les acheteurs potentiels de maison
En ce qui concerne les propriétaires potentiels, le gouvernement fédéral s’efforce également de résoudre la question de l’abordabilité. Outre le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété créé l’année dernière, le gouvernement haussera également le montant maximum de la somme qui peut être retirée d’un compte REER, celle-ci passant de 35 000 $ à 60 000 $ pour les acheteurs d’une première maison. La période d’amortissement du prêt hypothécaire maximale que peut offrir une institution financière passera également de 25 ans à 30 ans, ce qui pourrait permettre de réduire les versements annuels. Toutefois, si ces mesures peuvent apporter une aide à court terme aux ménages qui cherchent à acheter leur première propriété, nous pensons qu’un soutien massif à la demande pourrait également exercer une pression à la hausse supplémentaire sur les prix de l’immobilier, ce qui, à terme, les rendrait moins efficaces.
Les soins de santé demeurent une priorité absolue, mais la productivité doit rester au cœur des préoccupations
En plus de poursuivre le déploiement de son Régime de soins dentaires introduit en 2023, le gouvernement apportera un soutien supplémentaire aux personnes handicapées et mettra en place le très controversé régime national et universel d’assurance médicaments. Néanmoins, comme c’est le cas dans plusieurs secteurs, les prestataires de soins de santé sont confrontés à d’importantes contraintes sur le plan de l’offre, notamment en termes de main-d’œuvre et de technologie. Ces enjeux soulignent la nécessité, pour le gouvernement, de mettre l’accent sur l’amélioration de la croissance de la productivité dans tout le pays. À cette fin, les initiatives visant à se doter, au Canada, de la capacité de calcul nécessaire pour combler les besoins liés à l’IA (plutôt qu’elle ne soit dispersée à l’étranger) ainsi qu’un financement supplémentaire de 3,5 milliards de dollars pour l’infrastructure de recherche stratégique construite au Canada représentent des pas dans la bonne direction. Cela dit, il conviendrait de mettre l’accent sur les programmes visant à améliorer et à recycler les travailleurs étrangers qualifiés qui sont venus s’installer au Canada ainsi que sur les initiatives tenant à simplifier les règles et la réglementation applicables aux petites entreprises. En effet, nous estimons qu’il faudra de nombreuses années et de multiples initiatives pour inverser la sous-performance systémique en matière de productivité au Canada, surtout par rapport à la réalité qui prévaut aux États-Unis.
La viabilité budgétaire est également un enjeu à long terme qu’il convient de garder à l’esprit
Dans l’ensemble, le budget 2024 s’attaque aux déséquilibres structurels affligeant l’économie canadienne qui ont pris forme au fil de nombreuses années. En mettant l’accent comme il se doit sur les facteurs liés à l’offre, il serait possible de surmonter ce problème sur une période de nombreuses années. Cela dit, il faut également reconnaître que l’atteinte d’un tel objectif passe par l’accumulation d’une dette plus élevée, ce qui crée des vulnérabilités budgétaires à moyen et long terme si, comme nous le prévoyons, les taux d’intérêt demeurent plus élevés qu’ils ne l’ont été au cours de la dernière décennie. Les futurs budgets devront également s’employer à cerner les moyens permettant de remédier à cette vulnérabilité, en mettant davantage l’accent sur la viabilité budgétaire.
1 Bloomberg, au 16 avril 2024.
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